Les étudiant·e·s étranger·ère·s qui fréquentent des établissements d’enseignement postsecondaire en Ontario ne bénéficient pas de la couverture de l’Assurance-santé de l’Ontario (OHIP) et doivent payer une assurance médicale dans le cadre de leur inscription. Le RAMU, le régime d’assurance utilisé par la plupart des universités de l’Ontario, couvre tous les frais médicaux liés à la grossesse sans égard à la date de conception. Toutefois, dans les collèges, la plupart des régimes d’assurance limitent la couverture aux grossesses qui ont débuté après la date d’entrée en vigueur du régime ou jusqu’à 30 jours avant. Cela signifie que les étudiant·e·s étranger·ère·s enceintes dont la date de conception est antérieure à la date limite fixée par leur assureur ne bénéficient d’aucune couverture pour les frais liés à la grossesse et à l’accouchement. De nombreux·ses étudiant·e·s ont du mal à payer ces frais, qui peuvent s’élever à des dizaines de milliers de dollars, et retardent ou évitent en conséquence de se rendre à l’hôpital pour accoucher. Cette situation a un impact disproportionné sur les personnes enceintes, qui sont en grande majorité des femmes.
Le Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes (FAEJ) et les Waterloo Community Legal Services ont préparé un document de plaidoyer qui décrit les changements à apporter pour que les besoins des étudiant·e·s étranger·ère·s en Ontario soient satisfaits et que leurs droits en matière de santé génésique soient affirmés.
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Il est crucial que les étudiant·e·s étranger·ère·s enceintes, qui paient déjà une assurance-santé obligatoire avec leurs frais de scolarité, puissent accéder aux soins de santé dont ils/elles ont besoin sans avoir à débourser des milliers de dollars de leur poche.
Nous demandons au ministère de la Santé de l’Ontario de :
- Rétablir la couverture de l’OHIP pour les étudiant·e·s étranger·ère·s
- Annuler les coupes effectuées dans les soins de santé pour les personnes non assurées et créer un programme permanent qui garantit aux personnes vivant en Ontario un accès équitable aux soins de santé, quel que soit leur statut d’assurance ou d’immigration
Nous demandons au ministère des Collèges et Universités de l’Ontario de :
- Mettre à jour les Conditions requises pour les établissements d’enseignement désignés afin d’y inclure l’obligation que les régimes d’assurance-santé pour les étudiant·e·s étranger·ère·s remboursent tous les services couverts par l’OHIP, y compris en santé génésique
Nous demandons aux administrateur·trice·s de régimes d’assurance-santé pour étudiant·e·s étranger·ère·s de :
- Veiller à ce que les régimes d’assurance pour étudiant·e·s étranger·ère·s incluent tous les services couverts par l’OHIP, y compris les soins de santé génésique et les services liés à la grossesse, que celle-ci ait débuté ou non avant la date d’entrée en vigueur de la couverture
Nous demandons au gouvernement fédéral de :
- Adopter et mettre en œuvre un programme de régularisation complet et inclusif qui inclut l’accès aux soins de santé
L’histoire de Kharo
Kharo avait une entreprise de couture florissante au Nigeria. Dans l’espoir d’améliorer ses stratégies d’affaires et de marketing, elle a décidé d’étudier le marketing mondial dans un collège au Canada. Elle a reçu une offre d’admission en février 2022, s’est mariée en avril 2022 et a obtenu son visa d’étudiante en septembre 2022. Pour son programme d’études d’une durée de deux ans, les frais de scolarité s’élevaient à environ 36 000 $, sans compter le logement, les repas et les dépenses de la vie quotidienne. Ces frais comprenaient toutefois un régime d’assurance-santé privé qui est obligatoire pour tou·te·s les étudiant·e·s étranger·ère·s en Ontario. Elle a payé la totalité de ses frais de scolarité pour les deux années.
Kharo a appris qu’elle était enceinte quelques semaines avant son départ pour le Canada. Son mari s’inquiétait du fait qu’elle étudie à l’étranger pendant sa grossesse, mais il a finalement été décidé qu’elle poursuivrait ses études au Canada et envisagerait de rentrer chez elle si elle rencontrait des difficultés.
Après avoir commencé ses études au Canada, Kharo a été invitée à passer une échographie de datation à la clinique de son collège. On lui a dit que selon la date d’accouchement, son assurance étudiante pourrait ne pas couvrir les frais de santé liés à sa grossesse. L’assureur a même refusé dans un premier temps de payer l’échographie de datation, même si c’est lui qui l’avait demandée, jusqu’à ce que Kharo lui écrive pour lui demander de couvrir les frais. Kharo avait également rendez-vous chez un obstétricien; par chance, une politique d’exemption de l’OHIP liée à la COVID-19 et offrant des soins de santé aux personnes non assurées était encore en vigueur à ce moment. Kharo a signalé à l’obstétricien cette politique d’exemption et il a accepté d’envoyer la facture à l’OHIP plutôt qu’à elle. Cependant, quelques mois plus tard, elle a reçu une facture d’environ 400 $ pour la consultation initiale chez l’obstétricien.
Kharo a décidé de trouver une sage-femme prête à l’accepter comme patiente, car les services de sage-femme sont couverts pour tout le monde en Ontario, quel que soit leur statut d’immigration. Elle avait prévu d’accoucher à domicile avec une sage-femme afin d’éviter des frais d’hospitalisation élevés. Cependant, au cours des contractions, la sage-femme avisée a constaté que le bébé était en danger et que l’accouchement à domicile ne serait pas sécuritaire. Kharo a dû être transportée à l’hôpital dans des douleurs atroces.
À l’hôpital, il était toujours prévu que la sage-femme pratique l’accouchement. Cependant, Kharo souffrait beaucoup et avait besoin d’une épidurale, pour laquelle le spécialiste a exigé un paiement d’environ 1 000 $ avant de l’administrer. À ce stade, après des heures d’intenses douleurs, Kharo a décidé de payer avec une carte de crédit même si elle ne savait pas comment elle allait la rembourser. Son bébé a eu des complications respiratoires et a été gardé trois jours à l’unité des soins intensifs néonatals. Heureusement, les sages-femmes qui s’occupaient de Kharo ont demandé une couverture de l’OHIP pour son bébé et l’ont obtenue. Malgré cela, Kharo s’est retrouvée avec une facture de 6 000 $ pour avoir utilisé les services de l’hôpital.
Environ deux mois après l’accouchement, la compagnie d’assurance du collège est revenue sur sa décision et a pris en charge les frais d’hospitalisation. Kharo ne sait pas exactement ce qui a changé et pourquoi la compagnie est revenue sur sa décision. Elle avait déjà envoyé un courriel à l’assureur pour l’informer qu’un avocat qui la représentait dans une clinique juridique communautaire souhaitait obtenir une copie de la politique qui l’autorisait à refuser les demandes de remboursement des soins liés à sa grossesse alors qu’elle avait payé ses primes d’assurance comme tout·e autre étudiant·e.
L’histoire de Kharo n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. D’autres étudiant·e·s étranger·ère·s en Ontario ont subi un stress considérable en cours de grossesse et d’accouchement, mais préfèrent ne pas partager leur histoire ou revivre ces expériences.
Outre les frais de scolarité élevés que doivent payer les étudiant·e·s étranger·ère·s, les personnes enceintes ou atteintes de maladies préexistantes se voient souvent refuser l’accès à des soins de santé essentiels, ou doivent débourser des milliers de dollars pour y accéder. Il s’agit d’une triste réalité, dans un pays qui se targue de son système de santé universel et qui tire d’importants avantages sociaux, culturels et économiques des étudiant·e·s étranger·ère·s.
Cette histoire est partagée avec la permission de Kharo.
Faits marquants
- Les étudiant·e·s étranger·ère·s ont contribué à hauteur de 10,9 milliards $ à l’économie de l’Ontario en 2018.1
- Dans les services d’urgence des hôpitaux, les patient·e·s non assuré·e·s sont plus susceptibles que les patient·e·s assuré·e·s d’être trié·e·s comme des cas graves, de repartir sans traitement et de décéder.2
- Les soins de santé sont un droit humain et le Canada a signé un pacte international reconnaissant le droit à la santé.
Le FAEJ remercie Femmes et Égalité des genres Canada pour son soutien au Projet de justice reproductive.
1 Canmac Economics Limited. (Août 2020). Impact économique du secteur de l’éducation internationale au Canada – Mise à jour 2020. Affaires mondiales Canada. https://www.international.gc.ca/education/assets/pdfs/impact_economique_education_internationale_canada_2017_2018.pdf
2 Hynie, M., Ardern, C.I. et Robertson, A. Emergency Room Visits by Uninsured Child and Adult Residents in Ontario, Canada: What Diagnoses, Severity and Visit Disposition Reveal About the Impact of Being Uninsured. Journal of Immigrant Minority Health 18, 948–956 (2016). https://doi.org/10.1007/s10903-016-0351-0